
L’Institut européen des forêts (EFI) a récemment convié les parties prenantes de la filière cacao à un échange pour aider les opérateurs souhaitant commercialiser du cacao camerounais et ses produits dérivés sur le marché européen à répondre aux exigences du RDUE.
Un atelier sur le cadre légal de la production et du commerce du cacao au Cameroun s’est tenu le 26 février 2025 à Yaoundé, pour contribuer à la préparation de la filière cacao camerounaise aux exigences du règlement sur la déforestation de l’Union européenne (RDUE). D’après le communiqué de presse, l’activité a permis de présenter une série de recommandations de diligence raisonnée développées, afin d’appuyer les entreprises du secteur dans leur analyse de la conformité du cacao camerounais à la législation nationale, tel qu’exigé par le RDUE. Y prenaient part une soixantaine de participants représentant les groupes d’acteurs de la filière cacao : secteur public (administration et Office national du cacao et du café, ONCC), secteur privé (exportateurs, acheteurs et transformateurs), organisations de producteurs, organisations de la société civile nationales et internationales et partenaires techniques et financiers.
Les recommandations présentées sont le résultat d’une étude menée par l’Institut européen des forêts (European Forest Institute ou EFI en anglais, ndlr), avec l’appui du Cabinet TAMI et de Preferred by Nature, sur financement de l’Union européenne (UE), dans le cadre de son Programme cacao durable. Les recommandations ont fait l’objet de consultations avec les parties prenantes de la filière, sous l’égide du groupe technique de suivi des Cocoa Actions (douze actions visant à développer des politiques et outils pour garantir la durabilité du cacao), composé notamment des ministères du Commerce, de l’Agriculture et du Développement rural, de l’Office national du cacao et du café (ONCC) et du Conseil interprofessionnel du café-cacao (CICC).
L’objectif de l’étude réalisée est d’aider les opérateurs souhaitant commercialiser du cacao camerounais et ses produits dérivés sur le marché européen à répondre aux exigences du RDUE en matière de légalité. A cet effet, elle a particulièrement identifié les exigences légales camerounaises pertinentes pour la production et la commercialisation de cacao dans le cadre du RDUE, ainsi que les potentiels moyens de vérification de ces exigences. Les recommandations qui en découlent, bien qu’elles ne soient pas juridiquement contraignantes, peuvent fournir un appui aux acteurs de la filière dans le cadre de la mise en conformité au RDUE.
Les exigences de légalité dans le cadre du RDUE
Le RDUE, adopté le 31 mai 2023, impose aux opérateurs et commerçants important des produits à risque de déforestation dans l’UE de démontrer que ces produits sont traçables jusqu’à la parcelle, exempts de déforestation et légaux. Le règlement concerne sept commodités, dont le cacao. Pour garantir la conformité de leurs produits, les entreprises doivent donc réaliser une diligence raisonnée, ce qui nécessite une compréhension du cadre législatif du pays d’origine. « La diligence raisonnée est un processus continu et dynamique visant à identifier, évaluer et atténuer les risques liés aux activités d’approvisionnement. Loin d’être un outil figé ou une checklist, il s’agit d’un mécanisme dynamique, contextuel et qui doit être réalisé par l’opérateur pour chaque envoi de cacao dans le marché de l’Union européenne en vertu du RDUE », a-t-on appris de Claudia Antonelli de la délégation de l’UE au Cameroun. Toutefois, les recommandations de diligence raisonnée ne sont pas juridiquement contraignantes et n’engagent aucun secteur concerné. « Mais, elles peuvent fournir un appui aux acteurs de la filière dans le cadre de la mise en conformité du RDUE », clame Ghislain Fomou, expert technique et forêt à l’European Forest Institute (EFI).
La légalité du cacao fait référence au respect des lois nationales du Cameroun en matière de production, traitement et commercialisation, notamment en matière de droits d’utilisation des terres, de protection de l’environnement, de droits des tiers, de droit du travail, de droits de l’homme, de consentement libre, préalable et éclairé, de fiscalité, de lutte contre la corruption, de commerce et de douanes. Dans chacun de ces domaines, les experts ont pu identifier les exigences légales camerounaises s’appliquant à la production de cacao à petite échelle.
L’atelier de Yaoundé ainsi que les recommandations suggérées font partie des actions du Programme cacao durable de l’UE et de tous ses partenaires pour soutenir les efforts du Cameroun à assurer la durabilité de sa filière cacao et son accès au marché européen. Par ailleurs, l’initiative répond à une demande des autorités camerounaises et des acteurs de la filière, qui ont identifié ce besoin lors du dialogue politique sur le cacao durable entre le gouvernement du Cameroun et l’Union européenne baptisés « Cocoa Talks » et lancé une Cocoa Action en conséquence. Lors des discussions de mars 2023, les parties prenantes ont surtout souligné la nécessité d’approfondir l’analyse des critères de légalité dans le cadre du RDUE, afin de faciliter la diligence raisonnée des opérateurs. Comme effet induit, il est apparu essentiel de mieux comprendre le cadre législatif camerounais pour établir un référentiel national des exigences de légalité. Cet outil permettra d’accompagner les acteurs de la filière, de réduire les risques et d’améliorer la compétitivité du cacao camerounais sur le marché international.

Les petits producteurs, commerçants, acteurs de la chaîne d’approvisionnement, entités publiques et société civile, principaux bénéficiaires des recommandations
Ces recommandations faites à l’issue de l’atelier s’adressent à différents acteurs et peuvent être utilisées à plusieurs niveaux. Les opérateurs et commerçants peuvent les utiliser pour mettre en place et structurer leur système de diligence raisonnée en s’assurant que le cacao qu’ils commercialisent respecte les exigences du RDUE en matière de légalité et identifier les documents et informations à collecter et évaluer les risques. Les acteurs de la chaîne d’approvisionnement au Cameroun ont quant à eux l’occasion de mieux comprendre les attentes des acheteurs européens soumis au RDUE, d’organiser les informations à fournir et anticiper les risques de non-conformité en adaptant leurs pratiques agricoles et commerciales.
Pour les entités publiques camerounaises, ces recommandations constituent un outil permettant de renforcer les contrôles de conformité des producteurs et exportateurs avec la législation nationale, afin de garantir que le cacao commercialisé respecte les lois camerounaises en vigueur. Il est également question d’accompagner les petits producteurs dans la mise en conformité et d’améliorer l’accès aux informations et aux documents administratifs. Enfin, la société civile peut s’en servir pour surveiller l’application des exigences légales, analyser les risques de non-conformité et sensibiliser l’ensemble des parties prenantes aux enjeux liés à la légalité du cacao d’origine Cameroun. Le nouveau Règlement (RDUE) entre en application le 31 décembre 2025.
Fin 2021, l’UE a entamé un dialogue politique sur le cacao durable avec le Cameroun, qui s’est concrétisé par une série de sept Cocoa Talks thématiques, et abouti à une session politique de haut niveau en juin 2023. S’en est suivi l’identification de douze Cocoa Actions soutenues par le Programme cacao durable de l’UE. Ledit programme lancé en 2021 fournit un appui technique aux partenaires nationaux pour le développement des politiques, outils et données utiles pour assurer et/ou démontrer la durabilité du cacao et appuyer le dialogue politique entre l’UE et le Cameroun. La mise en œuvre du Programme cacao durable est soutenue par l’Institut européen des forêts (EFI), notamment à travers l’appui au dialogue national sur le RDUE et à la mise en place des outils de traçabilité, suivi de la déforestation et vérification de la légalité en appui aux efforts de diligence raisonnée de la filière.