
Le Conseiller technique à la GIZ Projet Forêt Environnement Climat (ProFEC) se prononce sur les enjeux de l’atelier en cours organisé à Douala sur les Avis de commerce non préjudiciables (ACNP) et sur la nécessité pour les pays d’Afrique centrale d’harmoniser leurs méthodologies pour livrer sur le marché européen un bois respectant les principes de durabilité.
Monsieur Ambara, la ville de Douala abrite du 17 au 21 mars 2025 un atelier régional de partage des outils de renforcement des capacités pour la mise en œuvre des Avis de comemrce non préjudiciables (ACNP) en Afrique centrale. Quels sont les enjeux d’un tel rassemblement initié par l’ATIBT ?
Les enjeux sont à plusieurs niveaux. Ce type d’atelier a la particularité de réunir les autorités scientifiques et les autorités de gestion des pays de l’Afrique centrale, ce qui est important. Cela permet de créer des synergies, d’harmoniser les points de vue et la compréhension d’un certain nombre de choses. Sur ce plan, c’est intéressant. La deuxième chose, les pays de la sous-région verront de façon claire les disparités et les décalages qui existent dans la mise en œuvre de la Convention CITES à plusieurs niveaux : structurels, techniques et scientifique. Il y a un aspect très scientifique quand on évoque à chaque fois les Avis de comemrce non préjudiciables (ACNP). D’où l’intérêt de ce type d’atelier. Il faut voir le type de données que nous avançons. Ça renvoie à la notion d’harmonisation et de compréhension d’un certain nombre de choses. Que ce soit du point de vue opérationnel et stratégique, c’est important qu’il y ait de type de rassemblement.
Quelles sont les expériences-pays qu’on peut capitaliser ?
A partir du premier jour, il y a des particularités qui sortaient déjà. Il y a des pays comme le Gabon qui a évoqué ses préoccupations en ce qui concerne la validation ou la compréhension de l’ACNP. Le Cameroun qui est le pionnier de la chose peut effectivement partager son expérience. Il faut le dire : le Cameroun est dans le processus des ACNP depuis l’Assamela, soit depuis plus une quinzaine d’années pratiquement.de tels pays qui ont une forte expérience peuvent partager facilement avec des pays qui sont en train d’amorcer le processus de rédaction des ACNP. Les homologues centrafricains ont dit d’entrée de jeu qu’ils sont contents d’assister à ce type d’activité, que ce soit définir la CITES, parler de ses fondamentaux, entre autres. Pour eux, c’est intéressant et extrêmement pertinent, car ils sont pratiquement au début du processus. Par contre, le Cameroun estimait que c’est une répétition. C’est aussi l’un des aspects les plus importants de ce type de rencontre.
Comment comprendre que les Etats de l’Afrique centrale qui sont les grands pourvoyeurs de la ressource bois puissent faire face aux contraintes imposées par le marché européen ?
Derrière cela, il y a d’abord des enjeux très stratégiques. Lorsqu’on parle des ACNP, c’est aussi un outil de régulation du commerce. En matière de commerce, il y a un producteur et un acheteur. L’Union européenne fait partie de la CITES. En tant qu’acheteur, elle peut à un moment donné exiger un certain nombre de choses. Bien évidemment, il faut que tous ceux qui veulent vendre sur le marché européen s’arriment. Ça peut paraître comme une sorte de chantage, mais il n’en est rien, c’est-à-dire que l’Union européenne prend conscience d’un certain nombre de choses comme la déforestation, la conservation d’un certain nombre d’espèces et dit maintenant que celui qui veut faire des affaires avec moi, doit se mettre à un certain niveau, à un certain standard. Automatiquement, si vous voulez aller vers ce marché, il n’y a pas deux choses à faire, si ce n’est vous battre pour vous arrimer. Maintenant, il y a un problème de fond en ce qui concerne nos Etats. C’est pour cela que je disais au début de mon propos que ce type d’atelier est intéressant. Voyez-vous, si par exemple un genre est inscrit à l’Annexe de la CITES et que dans un pays de la sous-région, ce genre est minimalement important pour le pays, ce dernier ne s’y intéresse pas. Ceux qui ont ce genre en grandes quantités vont commencer des combats et il sera à l’écart. Le jour où une espèce qui a une forte valeur commerciale et qui est présente dans un pays de l’aire de distribution entre à l’Annexe II, c’est là que ce pays s’y intéresse. Et là, on va lui dire que quand on avait tel combat, tu avais plutôt l’impression de ne pas être concerné. Or, en réalité, ça nous concerne tous. Je pense que dans une première vision, on peut estimer que c’est une sorte de domination. Certains ont même parlé de néo-colonialisme dans les échanges. Non, c’est tout simplement que les problèmes environnementaux nous concernent tous, sans oublier le nouveau paradigme du One Health (approche intégrée et unificatrice qui vise à équilibrer et à optimiser durablement la santé des personnes, des animaux et des écosystèmes, ndlr). Et si on la chance d’avoir des partenaires commerciaux qui mettent cela au-devant et prennent conscience plus rapidement que nous, on gagnerait plus à suivre la dynamique. J’imagine que ce n’est pas évident, mais au fond, il y a aussi des problèmes de gouvernance. Si vous êtes un partenaire commercial et qu’à un moment donné, je doute un peu de ton sérieux et de la fiabilité du produit que tu me soumets à chaque fois, ça peut générer tout. Puisque vous envoyez des données et on doute. Parce qu’on sait que vous avez des problèmes de gouvernance. C’est toute cette ambiance qui fait que les débats prennent parfois d’autres tournures. Mais, il s’agit d’une prise de conscience des aspects environnementaux de façon globale et certains veulent être proactifs. Mais, on a l’impression que le producteur réagit toujours. C’est parce que l’acheteur impose et le producteur est obligé de s’ajuster.
Qu’est-ce que l’Union européenne met sur la table lorsqu’elle fixe des pareilles exigences ?
Il y a des projets mis en place pour accompagner les Etats. C’est déjà, important. Mais fondamentalement, il y a tout un aspect de régulation qui prend par exemple en compte les aspects liés au corpus normatif des pays. Si un pays décide par exemple de faire de l’aménagement durable, c’est lui qui prend l’initiative de mettre sur pied un certain nombre de textes. Mais qu’est-ce qui fait qu’il soit difficile de les appliquer. C’est tout cela qui fait qu’à un moment, on a l’impression qu’on nous impose ou on est sous une domination. Mais, en réalité, on doit prendre conscience que les textes sont faits pour être appliqués. Encore faudrait-il que ces textes soient réalistes. Nos législations doivent déjà intégrer des dispositions relatives à la CITES et les rendre opérationnelles. Sur ce plan, il faut peut-être travailler sur nos textes et aussi prendre conscience qu’il faut nous-mêmes appliquer la règlementation que nous mettons sur pied.
Justement, il y a une polémique qui enfle au sujet du caractère contraignant ou non de l’ACNP. Quelle est votre vision des choses ?
De mon point de vue, le caractère contraignant s’impose. C’est un acheteur qui te dit que si tu veux vendre sur mon marché, t’arrimes à un certain nombre de standards. C’est aussi simple que ça : soit tu t’arrimes soit tu ne le fais pas. S’il faut faire le débat sur le caractère contraignant ou non, il faut peut-être rentrer en arrière, parce qu’est-ce que c’est contraignant pour les pays de vendre sur ce marché ? Là je dis non. Ets-ce que c’est contraignant de s’arrimer à la réglementation du producteur ? Je dis oui si tu veux y vendre. Le débat n’est pas à ce niveau à mon avis.
Interview réalisée par la Rédaction