
D’après l’analyse du BIP 2024, l’Adamaoua, le Nord et l’Extrême-Nord ont été les parents pauvres dans les secteurs de l’éducation, de l’agriculture, des infrastructures et équipements, etc. Une situation qui, dans les faits, est responsable de la famine et de la destruction de l’environnement dans le Septentrion.
Les régions septentrionales ne sont pas (toujours) bien loties en ce qui concerne les allocations du Budget d’investissement public (BIP). Des déséquilibres et disparités ont été observés dans les allocations d’enveloppes budgétaires en 2024, selon une analyse réalisée par l’organisation de la société civile Terre et Développement Durable (TDD). L’atelier de validation de l’analyse : « Famine et destruction de l’environnement dans les régions septentrionales en 2025 : analyse des causes structurelles, budgétaires et non budgétaires », tenu le 23 mai 2025 à Meiganga dans le département du Mbéré, région de l’Adamaoua, est la preuve, s’il en était encore besoin, que les déséquilibres dans les allocations du Budget d’Investissement Public (BIP) restent une réalité au Cameroun. « Alors que le BIP nominal plaçait la région de l’Extrême-Nord comme la principale bénéficiaire et la région du Nord comme la moins dotée, l’ajustement du BIP révèle une toute autre réalité : la région du Centre devient la principale bénéficiaire, tandis que la région de l’Adamaoua reçoit la plus faible enveloppe dans le BIP 2024 », indique le rapport.
Les déclarations s’inspirent des analyses effectuées sur les affectations du budget 2024. Il y a des raisons budgétaires et non-budgétaires comme les pressions foncières, les conflits agropastoraux et les exploitations minières, indique TDD. Le déséquilibre et la mauvaise répartition des allocations budgétaires sont autant de facteurs responsables de la famine et de la destruction de l’environnement dans le Septentrion. Certaines régions comme le Centre, le Sud ou encore l’Ouest sont mieux loties que les trois régions septentrionales réunies.
« Les communautés ont du mal à manger à leur faim et éprouvent des difficultés à avoir accès au foncier agricole », a souligné Stanislas Ngalani, coordonnateur de Geotech, organisation de la société civile en activité dans la région du Nord. Les politiques publiques rendent moins attractives les campagnes, ce qui favorise l’exode rural. Les ministres sont même pointés du doigt. « Si ce n’est pas la région, c’est le département ou la commune d’un ministre qui reçoit le plus grand BIP de son ministère », a expliqué le Coordonnateur de Terre et Développement Durable, Pierre Hervé Madougou Yagong. Le rapport a présenté des déséquilibres observés dans les allocations du BIP qui fragilisent et réduisent (davantage) les chances de développement et d’amélioration des conditions de vie dans les régions septentrionales, à savoir l’Extrême-Nord, le Nord et l’Adamaoua. La situation exacerbe par ailleurs les pressions foncières et les dynamiques démographiques dans le Septentrion.
Education de base, santé publique, infrastructures et équipements…, secteurs marqués par une inégale répartition des ressources d’investissement public
Dans les faits, cette disparité est perceptible dans plusieurs domaines passés au crible par Terre et Développement Durable. Dans le secteur de l’éducation de base, il ressort que la Mefou-et-Afamba s’en tire par exemple avec 22 771 F par tête d’habitant et 348 712 F par kilomètre carré, tandis que le Nord est le parent pauvre avec 621 F par tête d’habitant et 28 097 F par km². L’Adamaoua bénéficie de 1343 F par tête d’habitant et 28 372 F par km², loin derrière et la Vallée du Ntem avec 10 153 F par tête d’habitant et 140 572 F par km². Dans le secteur des enseignements secondaires, les écarts régionaux donnent le tournis. Le seul département du Mfoundi a bénéficié de 1,87 milliard de F, contre 659,58 millions de F pour l’Extrême-Nord, 519,20 millions de F pour le Nord et 217,13 millions de F pour l’Adamaoua. Au niveau de la santé publique, les écarts entre régions sont plus frappants. Le Centre a eu droit à 6,89 milliards de F, soit plus de 10 fois l’allocation de l’Adamaoua avec 660 millions de F.
Pour ce qui est de l’assistance sociale et son impact sur le capital humain, les régions septentrionales cumulées ont eu droit 1,27 milliard de F, soit 5,2 fois moins que le département du Mfoundi. Un paradoxe est aussi observé dans le secteur rural où les régions les plus urbanisées (Centre avec 4,51 milliards de F et Ouest avec 3,57 milliards de F) reçoivent les investissements agricoles les plus importants. Alors que l’Adamaoua s’en tire à peine avec 1,03 milliard de F. Pour ce qui est du secteur des infrastructures et équipements, les disparités sont frappantes. La région du Nord reçoit 14 fois moins de BIP que la région du Sud et 13 fois que la région du Centre. L’Adamaoua, une fois de plus est marginalisée. « Malgré sa superficie quatre fois plus grande que celle de l’Est, l’Adamaoua reçoit seulement 1,56 milliard de F du MINTP, tandis que la région de l’Ouest bénéficie de 25,24 milliards de F. ces écarts considérables soulignent un déséquilibre profond dans la distribution des ressources d’investissement public entre les régions camerounaises », explique Terre et Développement Durable (TDD).

Les interventions de Terre et Développement Durable adossées aux priorités de l’Union européenne et financées par le projet REAL-GRNS
L’analyse du BIP à impacts sur le capital technique, technologique et l’industrialisation révèle que la région de l’Extrême-Nord occupe la première position avec 47,4 milliards de F, propulsée par les allocations du Ministère de l’Eau et de l’Energie (MINEE) et du Ministère en charge de l’Economie (MNEPAT). La région de l’Adamaoua, à l’opposé, occupe la dernière position, avec seulement 944 millions de F. « L’écart entre ces régions est considérable, démontrant une répartition très inégale des ressources d’investissement public destinées au développement technologique et industriel », soutient Terre et Développement Durable (TDD).
L’activité menée par Terre et Développement Durable a bénéficié du soutien du projet de Renforcement de l’engagement des acteurs locaux dans la gouvernance des ressources naturelles dans le Septentrion (REAL-GRNS) financé par l’Union européenne. Y prenaient part, une quarantaine de participants constitués des sectoriels de l’administration publique, des responsables des collectivités territoriales décentralisées (CTD), les autorités traditionnelles, les OSC et ONG en activité sur les thématiques abordées, en l’occurrence la participation citoyenne, la gouvernance forestière, la gestion des terres, des mines et de la sécurité alimentaire dans le Septentrion.
Les participants ont formulé des recommandations en lien avec le foncier, la mine, la sécurité alimentaire, la protection des forêts galeries de l’Adamaoua, les questions du changement climatique, les ODD, les droits de l’Homme, les protections des peuples autochtones et des minorités, etc. L’une des propositions allait dans le sens des allocations de retard au développement, pour rattraper le niveau de développement des zones septentrionales. Derrière, l’idée est d’affiner les argumentaires des élus et des acteurs de la société civile lors de la négociation du BIP et d’autres financements publics et/ou privés.