
Un webinaire récemment organisé par les deux institutions a permis de développer des alternatives pour assurer un mieux-être des communautés, du point de vue socio-économique.
Le Réseau panafricain pour la conservation des ressources naturelles de l’Afrique (PANCANR) et Environmental Investigation Agency (EIA) ont co-organisé un webinaire de haut niveau le 10 juillet 2025, pour promouvoir une gestion durable des ressources pour le développement socio-économique en Afrique de l’Ouest. Les échanges modérés par Almani Dampha avaient pour enjeu de mettre un terme l’exploitation non durable des ressources naturelles en Afrique de l’Ouest et de proposer des mesures pour que les ressources disponibles soient gérées durablement et pour le bien-être socio-économique des populations. « Ce n’est qu’à travers une meilleure gestion des ressources naturelles que nos pays seront riches et prospères. Nous devons être fermes dans la gestion des ressources naturelles et aider les gouvernements à défendre l’intégrité de ces ressources », indique Raphaël Edou, Chief Executive Officer de Radenamias LLC, par ailleurs ancien ministre béninois de l’Environnement chargé de la gestion des changements climatiques, du reboisement et de la protection des ressources naturelles et forestières. Dans ce registre, PANCANR pourrait se constituer comme la voix des pouvoirs publics, en termes de plaidoyer.
L’une des interventions les plus attendues était celle de l’ex vice-présidente de la Gambie, Fatoumata Jallow-Tambajang. Dans son argumentaire, elle a reconnu l’importance du thème retenu, qui affecte la faune, la, flore et les vies des communautés vulnérables vidant dans des environnements difficiles, sur le continent africain. D’où son invite à développer des solutions innovantes pour adresser les innombrables problèmes de l’Afrique et à se constituer comme des ambassadeurs du PANCANR. Mme Fatoumata Jallow-Tambajang explique que l’Afrique dispose d’énormes potentiels comme le Bassin du Congo, mais qui ne profitent pas toujours aux Etats en par extension aux populations. Selon cette dernière, il faut veiller à ce que la lettre et l’esprit des conventions internationales soient effectivement mis en œuvre. « L’Afrique est notre continent. Personne ne va résoudre nos problèmes mieux que nous Africains », a-t-elle martelé. En termes de pistes, notre source propose entre autres le renforcement des capacités dans le domaine de la foresterie, avec le développement du volet recherche.

3,9 millions d’hectares de couvert forestier africain perdus entre 2010 et 2020
L’état des forêts et de la foresterie en Afrique de l’Ouest : défis et opportunités a été passé en revue par le Pr. Larwanou Mahamane, enseignant d’écologie forestière à l’université Abdou Moumouni de Niamey au Niger. Les explications de l’expert révèlent la superficie mondiale des forêts estimée à 4,06 milliards d’hectares (soit environ 31% de la surface terrestre et 0,52 hectare de forêt par personne), selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). 45% de cette superficie sont répertoriés dans les zones tropicales. Seulement, la déforestation reste un problème important, avec une perte nette de forêts d’environ 3,3 millions d’hectares par an.
L’Afrique enregistre la plus grande perte de couvert forestier, avec une proportion de 3,9 millions d’hectares entre 2010 et 2020. D’après le Pr. Larwanou Mahamane, « la transformation doit nécessairement tenir compte des intérêts de l’Afrique en priorité. Les acteurs en charge de la gestion des forêts doivent engager des processus transformationnels pour inverser la donne ». Un autre chantier est le recours aux partenariats public-privé, pour multiplier les approches d’intervention plutôt que d’attendre tout des Etats et/ou des partenaires au développement.

Quand l’appétit des pays asiatiques renforce la pression sur le bois de rose ou « kosso »
L’intervention de Rebecca Latchford, coordonnatrice de l’Ong britannique NOT1MORE (N1M) a tourné autour du coût économique de l’exploitation forestière illégale en Afrique de l’Ouest : le cas du commerce du bois de rose, encore appelé « kosso ». Malgré la batterie de mesures mises en place pour protéger le bois de rose (nom scientifique : Pterocarpus erinaceus), l’espèce subit une exploitation anarchique, pour répondre à la forte demande du marché chinois. Dans ce pays asiatique, l’essence inscrite à l’Annexe II de la CITES est sollicitée pour la production de meubles de luxe. Presqu’aucun pays d’Afrique de l’Ouest n’est épargné : la Gambie, le Mali, le Nigeria, le Sénégal, la Guinée-Bissau, la Côte d’Ivoire et le Ghana.
Lors d’un atelier régional sur les avis de commerce non préjudiciable et les avis d’acquisition légale pour les Etats de l’aire de répartition du bois de rose africain, tenu à Douala (Cameroun), du 2 au 6 septembre 2024, M. Abba Sonko, ancien point focal CITES au Sénégal, avait tiré la sonnette d’alarme. « Le bois de rose d’Afrique est aujourd’hui menacé dans son aire de répartition qui tourne autour de 16 pays de l’Afrique de l’Ouest à l’Afrique centrale. On a constaté qu’il y a un glissement des exploitants et des trafiquants vers le bois de rose. L’ampleur que ce phénomène prenait a conduit à la mise en place de mesure de protection de cette espèce au niveau international par la CITES », avait-il expliqué. Pour lui, plusieurs facteurs sont évoqués : l’exploitation illégale, la transformation de l’habitat, l’utilisation comme bois de chauffe, la faible capacité de régénération, etc.
Les chiffres sur l’appétit des pays asiatiques pour le kosso vont en s’augmentant au fil des années. Entre 2015 et 2019, les quantités de bois de rose exportées vers l’Asie sont passées du double à la multiplication par un facteur de 200 000. Sur la même période, les importations de bois de rose en Chine, en provenance d’Afrique de l’Ouest, ont été multipliées par 15 000, passant de 12 000 dollars US en 2009 à 180 millions de dollars US en 2014, fait observer la CITES.
Malgré ce tableau déplorable, les bonnes pratiques du Sénégal dans l’application des règles et directives de la CITES forcent l’admiration. D’après M. Abba Sonko, c’est le fruit de la mise en place d’un cadre juridique solide, du renforcement des capacités des acteurs impliqués et de la sensibilisation du public et la collaboration régionale et internationale. « La législation sénégalaise interdit l’exportation du bois de rose. C’est la rébellion au sud du pays (en Casamance, ndlr) qui a favorisé l’exportation du bois de rose vers les pays voisins », a indiqué M. Sonko. Ses faits d’arme dans la protection des ressources naturelles ont d’ailleurs été salués par Raphaël Edou.

Adresser de manière holistique les facteurs socio-culturels pour contrer la dégradation de l’environnement
Les dimensions socio-culturelles de la dégradation de l’environnement ont été également passées en revue, avec le cas pratique de la Sierra Leone et ses défis. L’exposé de Mme Haja Kaday Sesay, directrice exécutive du Consortium pour le changement climatique, l’environnement et la conservation des forêts de Sierra Leone (CEFCON SL) a mis en relief le fait que la dégradation de l’environnement dans ce pays ouest-africain est plus qu’une question scientifique. Au contraire, elle est consécutive à des facteurs socio-culturels comme la pauvreté, le poids des traditions, les inégalités et la lutte pour la survie.
La solution, d’après l’experte, pourrait résider notamment sur le renforcement des capacités des communautés, l’intégration du concept de durabilité dans le développement social, l’introduction des alternatives comme l’agroforesterie, la production des briquettes, la pêche durable. Ou encore l’investissement dans les infrastructures comme les systèmes de gestion des déchets, les énergies propres et la défense des côtes.