
Le chargé de projets au CED pour la mise en œuvre du Projet d’amélioration de la gouvernance forestière (PAMFOR) revient sur les enjeux du réent atelier de Nanga-Eboko et explique les avantages qu’ont les opérateurs économiques à opérer dans la légalité.
Vous venez d’animer un atelier sur les enjeux et défis de l’approvisionnement de bois alimentant le transport par voie ferrée au Cameroun. Quelle en était la pertinence ?
Nous sommes à Nanga-Eboko aujourd’hui (30 avril 2025, ndlr) parce que nous avons fait beaucoup de constats liés au trafic de bois par voie ferroviaire au Cameroun. Le principal constat c’est que la majorité du bois transporté par voie ferroviaire est de source illégale. Et c’est un circuit de plus en plus utilisé pour acheminer le bois illégal. A travers tout cela, il y a un ensemble de difficultés, un contexte qui encourage cette illégalité, notamment l’inactivité des titres forestiers. La zone de Nanga-Eboko a à peu près 35 titres forestiers parmi lesquels à peine cinq sont valides. Donc, il y a la question de l’accès à la ressource légale qui est préoccupante et qui pousse les opérateurs à se laisser emporter par l’exploitation du bois illégal, parce que c’est leur activité phare. Il était donc question de discuter de ces problèmes, de les poser sur la table qu’au sortir, on puisse formuler des recommandations pour que ce bois illégal cesse ou réduire l’exploitation illégale par voie ferroviaire à sa plus simple expression.
Quelle est l’ampleur du phénomène ?
Le phénomène ne concerne pas uniquement la zone de Nanga-Eboko. Il faut même dire que l’activité est en baisse. C’est depuis les chargements de bois dans la zone de Belabo. On a le trajet Belabo-Douala avec toutes les escales et points de chargement comme Nanga-Eboko, Minta, Mbandjock ainsi de suite. L’ampleur est perceptible autour de ce trajet. Les cartographies qu’on a pu faire montrent que le bois est généralement coupé dans les environs de ce trajet ferroviaire et acheminé dans les gares environnantes. Il y a la question du blanchiment du bois qui est posée. Comment le bois illégal, par une alchimie, se retrouve légal et est acheminé ? Cela constitue beaucoup de pertes pour l’Etat. Il faut dire que le transport ferroviaire au Cameroun c’est à peu près 10 milliards de F en termes de taxes et d’impôts par an. Les chiffres ont même été simplifiés et on pourrait aller bien au-delà. Et donc c’est une source importante. Mais, nous avons pensé que la source peut être améliorée. A travers les analyses que nous avons mené, nous avons vu que les pertes vont au-delà de 10 milliards de F dus à cette exploitation illégale. Il est question aussi d’essayer de recouvrer ces pertes et les taxes pour améliorer les retombées fiscales.
Les exploitants forestiers se plaignent des tracasseries de transport. Quelle est l’assurance qu’ils ont de se lancer dans la légalité ?
Il y a des mains tendues qui ont été faites et jusqu’ici, monsieur le délégué départemental des Forêts et de la Faune a réitéré la main qu’il tend aux exploitants. La première chose c’est de collaborer avec les administrations et les partenaires de manière continue. La seule garantie ne peut arriver que lorsqu’il y a collaboration. C’est le Minfof qui est la seule administration concernée pour la régulation du commerce du bois, Camrail n’étant que le dernier maillon de la chaîne. Seule cette administration pourra leur apporter des garanties. On se rend que compte que beaucoup agissent parfois dans l’anonymat ou la discrétion. Et ce n’est que quand il survient des problèmes dans les négociations que le Minfof est informé. Il y a aussi une ignorance de la loi et des règlements en vigueur. Bref, il y a un ensemble de problèmes sur lesquels il faut revenir. Toujours est-il que la première chose à faire ^pur les exploitants, c’est de collaborer de manière franche et sincère avec l’administration concernée qui est le Minfof.
Il y a la nouvelle loi forestière de 2024 qui est plus répressive et dissuasive, dirait-on…
Le délégué départemental Minfof a relevé que la loi est plus ferme, c’est-à-dire que si les exploitants étaient un peu à l’abri parce que la loi n’était pas dissuasive, aujourd’hui ils sont vraiment exposés. En cas de faute, les sanctions sont très fermes. On va au-delà de 50 millions de F en termes d’amende et à plus de 10 ans de prison. C’est un intérêt pour tout le monde de rentrer dans la légalité, parce que l’exploitant va gagner, l’Etat va gagner et tout le monde sera en sécurité.
L’environnement se portera tout aussi bien…
Naturellement ! Aujourd’hui, on parle beaucoup plus de gestion durable. Il ne s’agit pas de gérer simplement, mais il faut que les générations futures puissent aussi avoir accès à la ressource. On remarque que, de plus en plus, la ressource se fait rare. Les volumes exploités sont réduits. Et si rien n’est fait pour veiller à la durabilité de la ressource, il n’y aura plus de bois pour approvisionner ce trafic. C’est un intérêt pour l’Etat, pour les communautés et pour les générations futures. C’est indispensable de trouver une solution afin que cette exploitation illégale s’arrête.
Pourquoi avoir choisi Nanga-Eboko ?
Nanga-Eboko est un des arrêts de bois. Il y a la proximité avec la ville de Belabo. C’est un début. Nous allons écouter également les opérateurs des autres villes, notamment Belabo qui est un maillon important de ce transit. C’est aussi une opportunité parce que peut-être Nanga-Eboko sera la première ville à bénéficier des retombées des recommandations qui vont émaner de cet atelier.
Interview réalisée par LA REDACTION