L’initiative lancée par l’Ong propose notamment la sécurisation de l’accès au foncier et la facilitation de l’accès des femmes aux crédits et aux intrants, avec un focus sur les femmes issues des peuples autochtones.
Un webinaire a été organisé le 12 novembre 2025 pour présenter les résultats préliminaires de l’étude de la mise en œuvre du Règlement zéro déforestation de l’Union européenne (RDUE) et le genre, avec un accent sur le cacao au Cameroun. les échanges étaient modérés par Indra Van Gisbergen, responsable de la compagne forêts et consommation à Fern. Lors du webinaire, il a été révélé que les femmes jouent un rôle central dans la filière cacaoyère au Cameroun, que ce soit dans la qualité et le volume de la fève brune. Seulement, elles ne sont pas toujours visibles. Les données du terrain ont été collectées par une quinzaine de jeunes chercheurs dans trois régions du pays : Sud (Djoum, Mintom), Centre (Lékié et Mbam-et-Kim) et Est (Boumba-et-Ngoko).
L’exploitation des données a permis d’observer que ces femmes sont issues de plusieurs catégories sociales (mariées, célibataires, veuves, femmes issues des peuples autochtones). D’après leur profil, les femmes des zones étudiées ont entre 25 et 45 ans et peu d’entre elles sont au-dessus de 45 ans, en raison des contraintes physiques, des distances, du manque de main-d’œuvre ou de la priorisation des vivriers de proximité comme moyens de subsistance. Leur niveau d’instruction est tout aussi disproportionné : primaire (51,31%), secondaire (38,34%); supérieur (0,52%) et sans niveau (8,68%).
L’on note la présence d’une catégorie particulière, les femmes migrantes qui partent de loin pour s’installer dans les zones de production du cacao, preuve de la dynamisation des communautés rurales. Il faut indiquer que certaines femmes Baka par exemple assurent seules l’ensemble du cycle de production. Dans la chaîne de valeur cacao, le rôle central des femmes n’est pas en reste. Elles assurent les tâches clés de nettoyage, entretien, récolte, écabossage, fermentation et séchage. « Sans leur contribution, la filière ne fonctionnerait pas efficacement », confie le secrétaire général du CED, Dr. Samuel Nguiffo. Il y a aussi l’émergence d’un leadership féminin au sein des coopératives, GIC, ainsi qu’une entraide locale.

Persistance des contraintes qui accentuent la vulnérabilité des femmes
Malgré le dynamisme des femmes observé sur le terrain, l’étude du CED présente tout de même les difficultés rencontrées par ces dernières. A l’instar de l’insécurité foncière (peu de femmes ont les titres officiels de propriété), la complexité, les coûts et le manque d’informations relatives à l’obtention du titre foncier. Cette situation en particulier les exclut des aides publiques, des crédits et des projets agropastoraux et des programmes de certification durable. Il arrive des cas où la femme travaille avec son mari, mais les revenus sont inéquitablement partagés. « L’on note des tensions surtout en période de récolte, car le travail de la femme n’est pas toujours valorisé. Elles estiment que le fruit de leur travail sert à entretenir des femmes qui sont leurs concurrentes, ce qui les place dans une situation inconfortable », relate le secrétaire général du CED.
De même, l’on assiste à des cas de violences physiques et psychologiques des maris et de ceux qui veulent contrôler leurs champs et leurs gains. Parmi les autres contraintes identifiées, l’étude fait référence aux marginalisations, au problème de main-d’œuvre, aux coûts d’embauche élevés, au difficile accès aux financements et crédits, intrants et équipements (pulvérisateurs, tronçonneuses) et plants de bonne qualité, du fait de faibles moyens financiers.

Des femmes dotées d’une faculté d’adaptation
Face à ces défis, les femmes parviennent, tant bien que mal, à s’adapter et à faire preuve de courage, précise l’étude. Les stratégies déployées intègrent notamment la participation aux mécanismes d’entraide pour mutualiser la main-d’œuvre et faciliter l’accès aux intrants et/ou aux financements. A Biakoa dans le département du Mbam-et-Kim, une retenue de 10% est opérée pour les intrants ou pour la scolarité des enfants. Il en va de même des efforts de diversification des revenus (vivrier, petit commerce, artisanat…), les techniques d’agroforesterie pour concilier production et exigences environnementales.
Il n’en demeure pas moins que les femmes expriment des attentes, comme un prix plancher national, une formation continue ou encore la stabilité des coûts. Fort de cela, le CED estime qu’il faut sécuriser l’accès/usage du foncier et faciliter l’accès des femmes aux crédits et aux intrants, renforcer le mouvement coopératif avec une plus grande inclusion des femmes et soutenir les trajectoires d’autonomisation des veuves, célibataires, migrantes et femmes issues des peuples autochtones. Indra Van Gisbergen est d’avis qu’il faut engager des échanges avec les décideurs politiques pour enclencher des actions d’envergure. « On va affiner les résultats pour poursuivre les discussions avec les autres acteurs de la filière, même en Hollande et Belgique où le cacao camerounais est exporté », répond Dr. Samuel Nguiffo du CED.
