Alors que le braconnage, la perte d’habitats et l’augmentation des conflits menacent leur survie, l’ONG internationale appelle à une décennie d’action décisive pour protéger leurs derniers bastions en Afrique centrale.
Lors de la 20e réunion de la Conférence des Parties à la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES COP 20), qui se tient du 24 novembre au 5 décembre 2025 à Samarcande (Ouzbékistan), le Groupe de spécialistes des éléphants d’Afrique de la Commission pour la sauvegarde des espèces de l’UICN a publié les résultats du Rapport sur la situation des éléphants de forêt africains, réalisé en 2024. Il s’agit du premier rapport de situation autonome sur l’éléphant de forêt d’Afrique, depuis que l’espèce (Loxodonta cyclotis) a été reconnue comme espèce distincte en 2021. Ledit rapport fait état de ce que la population totale se chiffre à 135 690 individus, contre environ 133 000 animaux selon les estimations antérieures, précise un communiqué de WWF publié le 27 novembre 2025. Soit une augmentation de 7728 à 10 990 éléphants supplémentaires selon des « estimations » provisoires. Pour WWF, ce chiffre soi-disant en hausse cache une réalité implacable: ce n’est pas parce que l’espèce se rétablit, mais parce qu’il est enfin possible de mieux les compter.
« L’éléphant de forêt ne se porte pas bien. Le braconnage a drastiquement réduit ses effectifs. À quelques exceptions près (par exemple le Gabon, certaines aires protégées et des concessions forestières bien gérées), l’espèce a largement disparu de son aire de répartition historique ou ne subsiste plus qu’en petits noyaux isolés. Les chiffres légèrement plus élevés ne sont pas une success story, mais le résultat d’une mise à jour méthodologique », explique le Dr. Thomas Breuer, co-auteur de l’étude et expert du WWF sur l’éléphant de forêt. « Les éléphants de forêt se reproduisent extrêmement lentement. Les populations qui se sont effondrées sous l’effet du braconnage et de la perte d’habitats ne peuvent pas se rétablir en quelques années seulement. L’espèce reste en danger critique d’extinction », ajoute l’expert.

95% de la population mondiale des éléphants de forêt identifiée en Afrique centrale
A en croire les chiffres officiels, l’Afrique centrale abrite environ 95% de la population mondiale des éléphants de forêt. Les effectifs les plus importants sont localisés au Gabon, avec une population d’environ 95 000 animaux. Ce chiffre repose sur des estimations bien plus précises grâce à des méthodes génétiques de capture-marquage-recapture, appliquées pour la première fois à grande échelle. Alors que le braconnage a menacé l’espèce pendant des décennies, les principales menaces aujourd’hui sont liées à la perte et la fragmentation de l’habitat. Cela se traduit de manière pratique par l’exploitation forestière industrielle, l’extraction minière et l’extension de grands projets d’infrastructures et de transport, qui morcellent des massifs forestiers autrefois continus.
De nouveaux risques encore peu étudiés comme les impacts du changement climatique, l’émergence de nouvelles maladies et leurs effets possibles sur la reproduction et la survie des jeunes, méritent aussi une attention. D’après WWF, si le braconnage pour l’ivoire a diminué dans les savanes, il reste élevé dans les zones forestières. Parallèlement, les conflits entre humains et éléphants augmentent à un rythme effréné. « Les habitats se réduisent, et les hommes et les éléphants sont contraints de vivre de plus en plus près les uns des autres. Les conflits homme-éléphant s’intensifient, en particulier dans le Bassin du Congo. Nous observons davantage d’actes de représailles et davantage d’éléphants tués », explique le Dr. Thomas Breuer.
WWF vulgarise un plan d’actions sur 10 ans pour sauver l’éléphant de forêt
En perspective, WWF élabore un plan d’actions complet sur dix ans pour la protection de l’éléphant de forêt, adossé au Plan d’action africain pour l’éléphant de la CITES. Au Cameroun, au Gabon, en République démocratique du Congo (RDC), en République du Congo et en République centrafricaine, l’Ong internationale met déjà en œuvre un large éventail de mesures, qui vont de la sécurisation et la restauration des habitats, à la lutte contre le braconnage et le commerce illégal, en passant par la promotion d’une coexistence durable entre les populations humaines et les éléphants.
