
Avec le concours de ses différents partenaires, le pays a intérêt à lever tous les obstacles qui grippent le secteur minier pour en faire un véritable levier de croissance.
Sous la houlette du Centre africain de développement minier (African Minerals Development Centre ou AMDC en anglais), un atelier s’est tenu du 2 au 4 juillet 2025 à Yaoundé au Cameroun sur l’évaluation de la gestion durable des ressources minérales du Cameroun et de sa conformité avec les principes de la vision minière africaine. L’objectif visait à valider les conclusions préliminaires de l’évaluation en cours du secteur minier camerounais, et son alignement avec les principes et outils de la Vision minière africaine (adoptées par l’Union africaine en 2009, pour faire en sorte que les ressources minérales de l’Afrique contribuent au développement durable et à la transformation structurelle du continent). L’enjeu était également de mobiliser les parties prenantes concernées pour discuter de stratégies concrètes visant à améliorer la gouvernance, la durabilité et la valorisation locale dans le secteur.
Le rapport présenté à l’occasion a passé en revue les problèmes de gouvernance et de structuration qui plombent ce secteur censé en principe être le principal pilier de la transformation structurelle de l’économie camerounaise. « La contribution du secteur minier au PIB est moins de 1%. Même la contribution du secteur minier au budget est moins de 2% », déplore le chef des initiatives sous-régionales au bureau Afrique centrale de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), Dr. Adama Ekberg Coulibaly. « Le Cameroun comme tout le monde le dit, a un gisement important en ce qui concerne le secteur minier. Mais, il reste essentiellement exploité de manière artisanale. Et en cela, il ne participe pas beaucoup à l’économie nationale. C’est à peine 0,60% », martèle le directeur exécutif du Centre régional africain pour le développement endogène et communautaire (Cradec), Jean Mballa Mballa. Selon plusieurs acteurs, la persistance des goulots d’étranglement observés dans le secteur minier camerounais ne permet pas d’en tirer le meilleur parti, malgré son riche potentiel. « Quand on mis la raffinerie sur pied, on était convaincu que nous n’aurons pas de problème d’approvisionnement, vu qu’il y a de l’or qui se produit au Cameroun. Mais, nous nous sommes confrontés à ce problème parce que malgré les textes qui sont là, l’or continue à sortir fusionné et pas raffiné. Après avoir fait ce constat, nous sommes descendus sur le terrain et on s’est dit qu’on ne va pas s’arrêter en si bon chemin. Il faut qu’on entre nous-même dans l’extraction. On a demandé à avoir un permis et ça fait plus de six mois qu’on attend », a confié le PDG du groupe Henza International, Angeline Atangana Nguede.

Le Cameroun, « un scandale géologique » qui doit montrer la voie
N’empêche, les experts de l’African Minerals Development Centre voient en le Cameroun un cas d’école qui vaut la peine d’être expérimenté. « Ce qui nous intéresse c’est de s’assurer que le Cameroun promeuve une exploitation transparente, équitable et optimale de nombreuses ressources naturelles qui favorisent le développement durable. Le Cameroun dispose de tous les atouts pour être la locomotive de l’Afrique centrale voire au-delà. Il faut juste un engagement à bien faire les choses. Nous espérons que notre rapport servira de boussole », fait remarquer M. Tunde Muritala Arisekola, géologue au Centre africain de développement minier. Le think tank est d’avis que la gestion durable du secteur minier passe par la mise en place de plusieurs réformes, tant au niveau du cadre juridique que sur les plans fiscal, institutionnel, social et environnemental. Au finish, plaide M. Tunde Muritala Arisekola, il faut aussi le suivi des standards pour s’assurer que les populations puissent bénéficier des retombées de l’exploitation aurifère.
Les partenaires partagent le même avis. « Le Cameroun est un scandale géologique, mais cela ne doit pas être des mots. Il faudrait que le Cameroun puisse montrer la voie. Cela passe nécessairement par des réformes profondes, à commencer par la Sonamines », indique l’économiste en chef à la CEA, Dr. Adama Ekberg Coulibaly. « Aujourd’hui, on a eu la chance d’avoir ce diagnostic technique extrêmement détaillé et réalisé par des experts camerounais qui, de notre point de vue, donne une très bonne photo de la situation de la gouvernance minière au Cameroun. C’est un élément clé. Et là, l’Union européenne est prête de nouveau à appuyer la Cameroun », conclut Patrick Illing, chef d’équipe secteur économie, secteur privé et intégration régionale à l’Union européenne. Le coordonnateur du projet de renforcement des capacités du secteur minier (Precasem), Guillaume Sosthène Mananga, fait mieux. Il recommande que le gouvernement alloue au ministère en charge des mines (Minmidt) des ressources financières suffisantes pour le fonctionnement efficace du Centre d’information géologique et minière (CIGM).

Plus de 1000 permis d’exploitation minière recensés contre une part de 5% dans les recettes d’exportation
Une vue d’ensemble du secteur minier au Cameroun permet de constater que sa contribution au PIB est d’environ 0,63% tandis que la contribution au budget national est inférieure à 0,2%. La part du secteur dans les recettes d’exportation est de 5% en moyenne. Le nombre de permis industriels est de 122 et plus de 1000 permis sont recensés pour l’exploitation minière. La part estimée de l’exploitation minière artisanale à petite échelle (EMAPE) dans la production aurifère s’élève à 95%. Et le taux de redevance minière sur l’or est de 25%. Malgré un potentiel géologique important en or, bauxite, fer, cobalt, nickel, rutile, terres rares, le secteur reste largement sous-exploité et dominé par une activité informelle artisanale.

Pourtant, le chef de l’Etat camerounais accorde une attention particulière à la valorisation du secteur minier, pour engranger des points de croissance. « La mine solide, en particulier l’or, nous semble constituer une niche exceptionnelle de ressources financières. Notre pays dispose en effet d’importantes réserves minières non exploitées que nous devons valoriser. Je me réjouis du démarrage des projets miniers que j’ai annoncé l’année dernière (en 2022, ndlr), concernant l’exploitation des gisements de fer de Kribi-Lobé, Bipindi-Grand Zambi et Mbalam-Nabeba », avait déclaré Son Excellence Paul Biya dans un extrait du discours à la Nation le 31 décembre 2023.