
Le choix porté sur cette technique a pour objectif la conservation de la biodiversité, le développement économique durable et la gestion des ressources naturelles.
La salle des actes de la commune de Bangou dans le département des Hauts-Plateaux, région de l’Ouest-Cameroun a fait le plein d’œuf le 20 Mars 2025. C’était à l’occasion d’une cérémonie lourde de symbole : la remise du matériel apicole à la deuxième cohorte d’apiculteurs formés dans le cadre du projet visant à éliminer les obstacles à la conservation de la biodiversité, à la conservation de la biodiversité, à la restauration des terres et à la gestion des durable des forêts à travers une gestion communautaire des paysages (Community-Based Landscape Management ou COBALAM en anglais). L’activité s’inscrit en droite ligne du projet COBALAM, mis en œuvre par Rainforest Alliance (RA) en partenariat avec le ministère camerounais de l’Environnement, de la Protection de la Nature et du Développement durable (MINEPDED) et ONU-Environnement, et qui ambitionne de promouvoir la conservation de la biodiversité et à soutenir la gestion durable des paysages dans les hautes terres de l’Ouest et dans la région du Sud du Cameroun.
Le projet tel que décliné par le coordonnateur des activités de Rainforest Alliance dans les hautes terres de l’Ouest, Jacques Waouo, est financé par le Fonds pour l’Environnement Mondial (GEF), et adopte une approche de gestion intégrée des paysages en plaçant au cœur de ses interventions la préservation des forêts à haute valeur de conservation. Il intègre également les zones forestières et agricoles environnantes dans une dynamique de gestion durable, menée par les communautés locales. La démarche entreprise par le projet COBALAM vise à concilier la conservation de la biodiversité, le développement économique durable et la gestion des ressources naturelles. Dans cette logique, la distribution du matériel apicole à Bangou a pour objectif de soutenir le développement durable de l’apiculture dans la région de l’Ouest en général et dans le paysage des monts Bamboutos et monts Bana-Bangangté-Bangou en particulier.

Des équipements modernes pour améliorer les techniques de production et de conservation du miel
Solange Tchouankam, apicultrice à Bana, ne cache pas ses impressions. « Je remercie Rainforest Alliance pour notre formation théorique et pratique. Il y a beaucoup de choses que je ne connaissais pas. Je pratiquais l’apiculture au hasard. Or, dans la formation suivie, j’ai reçu beaucoup de connaissances », a-t-elle indiqué. Comme Mme Tchouankam, ils sont près d’une vingtaine qui ont bénéficié des appuis considérables pour améliorer leurs pratiques apicoles ou pour démarrer une aventure dans ce segment d’activités. A sa suite, le maire de Bangou, Paul Sikapin, a dit toute sa satisfaction. « Ce n’est qu’un volet des interventions de Rainforest Alliance. En plus des forêts sacrées, des zones dégradées qui ont été restaurées, des formations des producteurs sur l’agriculture durable, Bangou est béni avec la remise des équipements aux apiculteurs », s’est réjoui le magistrat municipal.
Une activité similaire a eu lieu dans les communes de Fongo-Tongo et Nkong-Zem (Bafou-Nord) dans le département de la Menoua le 26 mars 2025. A l’occasion, les bénéficiaires ont eu droit à des équipements modernes et professionnels, pour améliorer leurs techniques de production, de récolte et de conservation du miel. A en croire le premier adjoint au maire de Fongo-Tongo, François Tenefoh, le projet ambitionne d’améliorer les conditions de vie des communautés, avec de nouvelles pratiques qui ne menacent pas l’intégrité des terres agricoles. D’après lui, les communautés ont là une opportunité de s’autonomiser et de diversifier leurs revenus sans agresser leur environnement immédiat.

Améliorer les revenus tout en préservant l’environnement…
De manière concrète, les appuis octroyés par Rainforest Alliance sont les suivants : 100 ruches kenyanes, 30 supports de ruche et de ruchettes, 45 enfumoirs, 45 petits chalumeaux portatifs à gaz, 45 bombonnes de gaz pour chalumeau, 120 tenues apicoles complètes, 120 paires de bottes, 120 gants de protection, 32 lèves cadre, 25 charmes abeille, 32 brosses abeille, trois pressoirs, trois maturateurs, deux hygromètres ou refractomètres, deux tamis double coulissable, deux cérificateurs solaires, 40 tonnelets de stockage, six moules à cire en plastique, 7500 bouteilles de conditionnement de miel et 600 pots à miel. En plus, les apiculteurs ont eu droit à une session d’informations sur l’utilisation et l’entretien du matériel, pour pérenniser l’activité sur le long terme.
D’après l’approche d’intervention, ceux qui débutent l’activité ont reçu chacun une ruche et une tenue complète (tenue proprement dite, bottes et gants). Ceux qui sont déjà en activité ont reçu chacun une tenue complète constituée de la tenue, des bottes et des gants, ainsi que des bouteilles et des boîtes de conditionnement. A travers la distribution de ce matériel apicole, Rainforest Alliance et ses partenaires recherchent « une amélioration significative des pratiques apicoles des bénéficiaires, se traduisant par une augmentation de la productivité et de la qualité du miel produit ». Le projet permettra d’optimiser la production du miel, d’améliorer la qualité du produit et de réduire les pertes. Il contribuera en outre à augmenter les rendements et les revenus des apiculteurs, tout en favorisant des pratiques durables et respectueuses de l’environnement.

Un diagnostic des pratiques pour aboutir à des actions pérennes
La distribution du matériel apicole est le fruit d’un processus engagé par Rainforest Alliance, qui a démarré par la réalisation d’un diagnostic approfondi des pratiques. Ce diagnostic a révélé plusieurs problèmes/contraintes qui freinent l’optimisation de la production de miel et la durabilité de l’activité apicole. Il s’agissait entre autres de : manque d’équipements apicoles appropriés tels que des ruches modernes, des enfumoirs, des gants, des tenues de protection, ainsi que des équipements de récolte et de filtration du miel ; vétusté desoutils de production tels queles ruches vieillissantes (plus de 15 ans) qui, au lieu de produire du miel, génèrent principalement de la propolis pour colmater les brèches ; utilisation de méthodes de gestion des ruches non optimisées, entraînant une diminution des rendements et de la qualité du miel et influence de facteurs externes notamment les feux de brousse, les prédateurs et les changements climatiques, qui affectent directement la productivité des ruchers.
Pour faire face à ces contraintes, une série de formations pratiques ont été dispensées aux apiculteurs des deux paysages des monts Bamboutos et monts Bana-Bangangté-Bangou. Ces sessions ont permis aux participants de mieux comprendre les bonnes pratiques apicoles, de prendre en compte les principes de gestion durable des ressources et de s’outiller avec les connaissances nécessaires pour améliorer la rentabilité de leurs exploitations. De l’avis des apiculteurs, une telle opportunité ne court pas les rues. « Ils sont nombreux qui veulent suivre une formation pareille mais n’en ont pas l’occasion. L’initiative a permis de donner une seconde chance à ceux qui étaient en chômage et ne savaient quoi faire. Désormais, je sais récolter et presser le miel. Notre formation a été réussie. Chacun ira placer ses ruches et huit mois ou un an plus tard, nous irons récolter », soutient Solange Tchouankam, en activité à Bana.
LA REDACTION
René Foka: « Avec les équipements reçus, je serais opérationnel sur le terrain »

« L’apiculture est une activité génératrice de revenus qui va nous permettre d’accroître nos moyens de subsistance et de mettre sur le marché du miel de qualité. Je n’ai manqué à aucune formation. L’objectif premier pour moi était de découvrir le monde des abeilles. Chemin faisant, j’ai découvert que c’est une niche d’opportunités. Avec les équipements reçus, je serais opérationnel sur le terrain. Si le miel est mal produit, il peut devenir un poison. C’est la raison pour laquelle je m’engage à respecter les consignes techniques de colonisation des abeilles, de production et de récolte pour que le miel que je vais mettre sur le marché soit irréprochable ».
Jacques Waouo : « L’apiculture va permettre aux communautés locales d’avoir des revenus supplémentaires »

Le Coordonnateur des activités de Rainforest Alliance dans les Hautes terres de l’Ouest motive les raisons qui justifient l’intervention de l’Ong américaine avec le concours de ses partenaires et le choix porté sur la production du miel pour promouvoir une agriculture biologique et durable.
Dans quel registre s’inscrit la distribution du matériel apicole mis à disposition des producteurs de miel des monts Bamboutos et monts Bana-Bangangté-Bangou ?
L’activité rentre dans le cadre du projet COBALAM. C’est un projet du ministère de l’Environnement, de la Protection de la nature et du développement durable (Minepded) avec Rainforest Alliance comme partenaire technique et le Programme des Nations unies pour l’environnement comme agent du Fonds mondial pour l’environnement (GEF) qui suit ce projet au quotidien. Nous avons commencé dans les monts Bamboutos avant d’arriver dans les monts Bana-Bangangté-Bangou. Dans les monts Bamboutos, nous avons distribué une première série en 2022. On a constaté que l’apiculture était pratiquée dans les deux paysages et que c’était un facteur important pour booster la productivité. Raison pour laquelle nous avons décidé d’accompagner les communautés. Pour le faire, on a d’abord retenu une consultante pour faire un diagnostic. Quels sont les problèmes que les apiculteurs rencontrent ? A travers le diagnostic réalisé, il a été révélé qu’il y avait un manque de formation et d’équipements. C’est pour cela que nous avons d’abord commencé par les former avant de procéder à la remise du matériel.
Pourquoi le choix de l’apiculture ?
L’apiculture est une activité qui va permettre aux communautés locales d’avoir des revenus supplémentaires, mais aussi de booster l’agriculture. Cela contribue aussi à l’agriculture biologique et durable. Grâce aux abeilles, les plantes peuvent se multiplier facilement à travers la pollinisation. Plus nous avons des abeilles dans les paysages, plus on est sûr de l’augmentation de la productivité.
On imagine qu’il est davantage question de concilier l’Homme et la nature en même temps ?
C’est justement l’enjeu recherché par Rainforest Alliance, c’est-à-dire penser à protéger la nature mais aussi qu’il y a des êtres humains qui vivent dans cet environnement et qui doivent avoir de quoi manger. Et pour cela, il faut de bonnes pratiques agricoles ou apicoles.
Interview réalisée par La Rédaction
Annie Florence Youbissi : « Dans le futur, on entend amener ses apiculteurs à se mettre en groupes organisés »

L’ingénieur agronome, spécialiste en apiculture et consultante pour le compte de Rainforest Alliance revient sur la formation dispensée aux apiculteurs et sa plus-value dans leur autonomisation socio-économique.
Quels sont les acquis de la formation dispensée par vos soins pour mettre à niveau les apiculteurs retenus ?
Nous avons travaillé avec Rainforest Alliance dans le cadre des bonnes pratiques apicoles. Rainforest Alliance avait pour objectif majeur la préservation des paysages des monts Bamboutos et des monts Bana-Bangangté-Bangou. Sachant que l’apiculture joue un rôle important dans la préservation de l’environnement, cette activité a constitué un pan du projet. Parce que les abeilles butinent les plantes à fleur dans un environnement sain. Les abeilles ne peuvent pas produire du bon miel dans un environnement pollué. Le souci majeur est d’amener les producteurs à planter les arbres, pour contribuer à la préservation de la biodiversité. Nous avons fait un diagnostic au terme duquel nous avons découvert un certain nombre de problèmes. Pour les solutionner, il fallait former les apiculteurs. Au terme de la formation, il fallait leur donner du matériel approprié pour avoir du miel de qualité et compétitif sur le marché. A travers l’apiculture, on peut résoudre le problème de pauvreté. Chacun peut avoir des revenus pour nourrir sa famille, envoyer ses enfants à l’école et en même temps prendre soin de soi-même. Nous avons travaillé dans différents villages, notamment à Fongo-Tongo, Mbouda, Bangou, Bana et Bangangté. Dans le futur, on entend amener ses apiculteurs à se mettre en groupes organisés. Lorsqu’ils créent par exemple une coopérative, en son sein il y a ce qu’on appelle des échanges d’expériences. En même temps, nous avons créé un groupe WhatsApp au sein duquel se font des échanges. Lorsque les apiculteurs ont des difficultés en ce qui concerne la pratique, ils peuvent se référer à nous pour qu’on leur apporte des solutions.
Quels étaient les modules de formation ?
Les modules de formation portaient sur le type d’équipement, le choix du site apicole, la pose de la ruche, le matériel de protection, la fabrication de la ruche (dimensions), l’installation du rucher, le positionnement selon la direction du vent pour orienter l’entrée de la ruche, l’entretien de la ruche, la récolte du miel. A ce niveau, il faut préciser que beaucoup de miel sort de la ruche étant de bonne qualité. Mais, c’est lors de la manipulation qu’il y a contamination. On a montré aux producteurs comment éviter au maximum ces contaminations. En outre, nous avons vu comment extraire ce miel, le conserver et le conditionner.
Quelles sont les bonnes pratiques à maîtriser par les apiculteurs ?
Il faut tout d’abord éviter les feux de brousse qui déciment les populations d’abeilles, de même que les environnements pollués par les pesticides chimiques, c’est-à-dire utiliser les biopesticides produits à base des différents ingrédients que nous avons à notre portée, notamment les oignons, l’ail et autres. Il faut éviter aussi les engrais chimiques. Nous pouvons fabriquer les engrais bio à partir de certaines plantes comme le titonia, les peaux de banane mûres et autres produits disponibles dans notre environnement. On doit également planter des arbres notamment des légumineuses fourragères comme le caliandra calothyrsus qui est une plante qui fleurit neuf mois sur 12 au cours de l’année. Lorsque vous avez cette plante qui est à usage multiple, elle permet d’enrichir le sol à travers les nodules au niveau de la racine, d’éviter l’érosion du sol, les feuilles qui permettent de nourrir les ruminants et les tiges utilisées comme bois de chauffe.
Interview réalisée par La Rédaction