
La ville de Bafoussam, chef-lieu de la région de l’Ouest-Cameroun, a abrité du 29 au 30 janvier un atelier de formation sur les exigences de Rainforest Alliance pour l’agriculture durable et l’offre de Rainforest Alliance sur la règlementation européenne contre la déforestation et la dégradation des forets (RDUE) pour les bénéficiaires du projet : « Eliminer les obstacles à la conservation de la biodiversité, à la conservation de la biodiversité, à la restauration des terres et à la gestion des durable des forêts à travers une gestion communautaire des paysages (COBALAM) ». Il s’agit d’un projet du ministère camerounais en charge de l’Environnement (MINEPDED) financé par le Fonds pour l’environnement mondial (GEF) et supervisé par le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) dont Rainforest Alliance est partenaire technique d’implémentation.
L’initiative de l’Ong américaine s’inscrivait dans la volonté d’accompagner les groupes cibles bénéficiaires du projet Women in COBALAM qui mènent les activités dans les paysages des monts Bamboutos et Bana-Bangangté-Bangou, pour une amélioration des pratiques agricoles et environnementales et juguler ou mitiger les conséquences des mauvaises pratiques agricoles et environnementales sur les paysages des hautes terres de l’Ouest. Tout en mettant en œuvre les bonnes pratiques de gestion des paysages pour réduire la pression sur les forêts et les terres agricoles. La sensibilisation ciblait en particulier les producteurs de la filière café, notamment : la North-West Cooperative Association Ltd. (NWCA) de Bamenda dans le Nord-Ouest, la Coopérative agricole des planteurs de la Mifi (CAPLAMI), la Coopérative agro-industrielle du Noun (Foumban) et la Société coopérative des Eleveurs et Agriculteurs de la filière café du bassin de production de Bamougoum (CACEPBAM) à l’Ouest.
L’enjeu était d’édifier les parties prenantes sur les exigences liées à la traçabilité, aux bonnes pratiques agricoles et au règlement zéro déforestation de l’Union européenne (RDUE). Rainforest Alliance souhaite davantage conforter son positionnement sur la nécessité de disposer de chaînes d’approvisionnement durables, de la cerise de café à la tasse. In fine, il était question de veiller à ce que les bénéficiaires de la sensibilisation « ciblée » s’alignent au règlement de l’UE qui stipule qu’aucune plantation ne doit avoir été déforestée et doit avoir démontré que sa chaîne d’approvisionnement est zéro déforestation. « Autour de cet objectif, il y a les éléments liés à la légalité qui inclut tout ce qui est foncier, gestion environnementale et fiscalité. Nous avons également la cartographie. Toutes les parcelles de près de quatre hectares et plus devront être géolocalisées. Ce sont toutes ces exigences qui nous amènent à sensibiliser rapidement et dans un bref délai les coopératives et exploitants qui doivent être conformes avant le 31 décembre 2025 », a précisé le responsable certification et formation à Rainforest Alliance, Yannick Cyrille Mboba.
Au-delà de cette sensibilisation, les responsables de Rainforest Alliance n’ont pas manqué de présenter l’offre développée en leur sein au bénéfice de toutes les entreprises qui souhaitent se conformer et souhaitent livrer sur le marché européen. « Nous avons développé une offre depuis le 15 janvier 2024 qu’on appelle offre RDUE sur la plateforme de certification Rainforest Alliance Certification Platform. Les entreprises peuvent utiliser cette plateforme pour soumettre toutes les preuves de conformité et accéder au marché européen. L’Union européenne a approuvé la plateforme de Rainforest Alliance comme étant fiable pour la gestion des données suivant les exigences du RDUE », a rassuré M. Mboba.
Regain d’intérêt pour le café
Pourquoi mettre un point d’honneur sur le café ? A en croire Rainforest Alliance, l’atelier de Bafoussam n’est pas fortuit. « Nous avons constaté que depuis 2022, la plupart des concertations organisées au niveau du Cameroun n’ont concerné que les entreprises cacao. Et peu d’entreprises café ont été conviées aux échanges. C’est la raison pour laquelle dans le cadre du projet COBALAM, nous nous sommes donnés pour mission de sensibiliser toutes les entreprises de café de la région élargies à la région du Nord-Ouest dans le sens de les sensibiliser déjà sur le règlement de l’Union européenne et sur le standard de Rainforest Alliance pour une promotion des chaînes de valeur durables dans le paysage », a expliqué Yannick Cyrille Mboba. Avant de poursuivre : « Au Cameroun, selon les données de l’ONCC, 1/3 de la production du cacao certifié est labélisé Rainforest Alliance. Malheureusement, pour le moment, sur les 10 000 tonnes de café produites, aucune cerise n’est certifiée Rainforest Alliance. C’est la raison pour laquelle nous pensons qu’à la faveur de ce règlement, il est bien que les entreprises de café puissent s’aligner aux exigences et labélisent leurs produits comme l’est déjà le cacao au Cameroun ».
Une position unanimement partagée par le coordonnateur des activités de Rainforest Alliance dans les hautes terres de l’Ouest. « Pour l’instant, nous n’avons pas encore un produit certifié Rainforest Alliance dans le domaine de la caféiculture, alors que c’est une culture dominante dans les hautes terres de l’Ouest. Raison pour laquelle nous avons ciblé ces entreprises, pour les sensibiliser sur le standard et pour qu’elles connaissent le standard de Rainforest Alliance. Nous avons constaté que bon nombre ne savent pas que Rainforest Alliance a une norme de certification en agriculture durable », certifie Jacques Waouo.
Dans le cadre du projet COBALAM, M. Waouo indique que 2209 hectares ont été certifiés. Or, l’objectif fixé est de 2440 ha. « Et ce n’est que le cacao certifié. On voudrait au moins qu’une portion de ces résultats vienne du café. C’est possible d’y parvenir d’ici décembre 2025 si les entreprises s’engagent dès maintenant. Parce que tout est basé au niveau de la structuration des coopératives », fait observer notre source. L’un des indicateurs qui a permis au GEF de valider ce projet, c’était d’encourager les entreprises à aller vers une certification tierce partie. Cela renvoie concrètement à ce qu’un produit puisse être certifié par quelqu’un attestant que le producteur utilise un matériel qui provient d’une zone gérée durablement. Cela signifie qu’il y a des exigences sur le plan social, environnemental et économique qui sont mises en place pour attester que le produit sort d’un endroit géré durablement.
L’intérêt est de s’aligner aux principes de durabilité. « Parmi les participants, nous avons beaucoup d’exportateurs de café qui devront, d’ici janvier 2026, se conformer au règlement de l’Union européenne. Cela implique que certaines actions soient prises dès aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle nous avons pensé qu’il est bon que nous commencions les sensibilisations qui vont se poursuivre par les formations de tous les acteurs opérationnels sur le terrain, de manière à leur permettre d’être au moins à 80% prêts le jour dit », a décliné Yannick Cyrille Mboba. Tout en engrangeant des devises. « Pour l’instant, parce que le café est très consommé dans les hautes terres de l’Ouest, la majorité des coopératives transforment ce qu’elles achètent pour vendre sur le marché local. Par contre, comme la certification vise beaucoup plus le marché international ainsi qu’un retour des devises, on va les encourager à avoir plus de productions pour combler le marché local et le surplus sera vendu à l’export », soutient Jacques Waouo.
Les acteurs de la filière café sensibles aux enjeux de production durable
Les participants à l’atelier de sensibilisation n’ont pas caché leur satisfaction à la fin des travaux. « Je suis content que Rainforest Alliance nous invite autour de la table. Ça fait longtemps que nous participons à la relance de la filière café. Participer à une telle formation est une aubaine pour nous. Quand nous allons rentrer, nous allons organiser un séminaire de restitution à nos planteurs. C’est bien d’avoir un partenaire de plus avec qui cheminer pour produire un café durable et gagner de nouvelles parts de marché », s’est réjoui Ismaël Njayou, chargé des relations et des formations à la coopérative agro-industrielle du Noun (COOP-AGRO). La coopérative en question est basée à Foumban et revendique environ 3000 membres, ainsi qu’une production de 65 tonnes de café arabica et robusta confondus en 2024, contre 50 tonnes en 2023.
Les représentants de la North West Cooperative Association (NWCA) ne sont pas en reste. « Je suis venu à la formation afin d’accroître mes connaissances pour avoir une meilleure compréhension des exigences de Rainforest Alliance sur l’agriculture durable. En ayant une vue panoramique du marché, nous pouvons être capables de mettre en relation les producteurs avec leurs potentiels marchés. Les modules liés à la durabilité sont aussi intéressants dans la mesure où nous espérons de Rainforest Alliance des outils et des instruments que nous pouvons mettre en place pour se rassurer que la chaîne de valeurs de notre café ne soit pas brisée », a déclaré Godlove Mbilifong Asangana, chef de l’unité d’extension et d’approvisionnement de la coopérative basée au Nord-Ouest. L’entité a été créée en 1950 et produit en moyenne 800 tonnes de café par an. Le café robusta représente 90% de la production.
A la Coopérative agricole des planteurs de la Mifi (CAPLAMI), on fonde également beaucoup d’espoir sur l’atelier de Bafoussam. « Avec Rainforest Alliance, nous sommes satisfaits et nous comptons sur l’organisation qui est un partenaire mieux un accompagnateur qui va nous aider à reprendre du poil de la bête. C’est important de mettre les jalons pour la relance », souhaite le directeur général, Michel Fosso. La coopérative créée en 1958 s’étend sur trois départements (Mifi, Koung-Khi et Hauts Plateaux, ndlr). Elle produit 30 tonnes de café et compte à ce jour 27 000 planteurs dont 5000 actifs, à cause de la baisse drastique de la production due à la mévente du café sur le marché international. C’est la raison pour laquelle la CAPLAMI voit d’un bon œil un futur partenariat avec Rainforest Alliance pour adresser par exemple la question des engrais à acheter, afin d’améliorer l’accès sur le marché d’un café produit durablement.