
Le chef des initiatives sous-régionales au bureau sous-régional pour l’Afrique centrale de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), Dr. Adama Ekberg Coulibaly, a reçu le 28 février 2025 à Yaoundé, le secrétaire exécutif de la Commission économique du bétail, de la viande et des ressources halieutiques (CEBEVIRHA), Dr. Salvador Ngoande. La concertation a porté sur les approches à suivre très prochainement pour travailler avec l’agence d’exécution de la CEMAC sur la formulation des axes et perspectives nouvelles, pour les secteurs dont la CEBEVIRHA est en charge, à savoir l’élevage, les industries animales, les pêches et l’aquaculture. L’objectif est de travailler ensemble en vue de la mise sur pied d’une directive pour fixer les seuils d’importation et inciter les entreprises locales à améliorer leurs transformations en qualité et en quantité.
L’entretien entre les deux personnalités se tient dans un contexte caractérisé par l’adoption d’une stratégie sous-régionale d’import-substitution par la Conférence des chefs d’Etat de la CEMAC, lors de la 15e session ordinaire tenue le 17 mars 2023 à Yaoundé (Cameroun). « Elle (la Conférence) a exhorté les Etats membres, les institutions sous-régionales, les partenaires techniques et financiers et les opérateurs économiques à faire de la Stratégie un enjeu majeur en s’appropriant son plan d’opérationnalisation », avait souligné le communiqué final. Il y a donc beaucoup de discours, mais peu d’actions, apprend-t-on à la CEA. On attend toujours les résultats pour que ces requêtes se traduisent en actions et produisent des impacts en termes de réduction de la facture des importations. « A la CEA, nous sommes disposés à accompagner la CEMAC dans cette mission et à exprimer notre engagement à accompagner le secrétaire exécutif de la CEBEVIRHA dans sa lourde mission, afin d’essayer de transformer les handicaps qui sont sur le chemin en opportunités », précise le Dr. Adama.
Vers la mise en place d’un groupe de travail pour accélérer l’import-substitution
Cela passe par la mise en place prochaine d’un groupe de travail. « Le travail à faire va s’inscrire dans le cadre de la Politique agricole commune (PAC) des pays de la CEMAC. Des actions ont été prises mais n’ont pas encore produit les impacts attendus. Il faut redoubler d’efforts et se concentrer sur certaines filières. En ligne de mire, c’est engager des consultations et des bilans de performance d’étapes pour que nous puissions au bout du fil produire suffisamment de volumes de viande et de poisson, afin de parvenir à la souveraineté alimentaire pour ces produits », décline l’économiste senior à la CEA.
Dans un volet plus large, tout ceci s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre rapide de la politique d’import-substitution telle qu’instruite par les chefs d’Etat lors de leur sommet extraordinaire après la crise du covid-19 où ils ont exprimé la nécessité d’arrêter l’hémorragie que continue de faire peser les importations sur la balance de paiement des pays de la CEMAC. Avec la CEBEVIRHA, la CEA se dit prête à mener des consultations qui permettront de lancer des missions circulaires devant aboutir à une meilleure compréhension des enjeux de la ZLECAf. « Aujourd’hui, on a une opportunité de nourrir 1,4 milliards de personnes, dont environ 200 millions de personnes en Afrique centrale. La demande est là. Il nous faut maintenant produire, transformer et mettre sur le marché des produits de qualité, que ce soit les produits carnés, le lait, le poisson », confie le Dr. Adama Ekberg Coulibaly.
En termes d’approche, notre source déclare qu’il serait idéal d’émettre des directives. Dans ce registre, la CEA va travailler avec la CEMAC pour émettre des directives, afin d’aider à inverser la tendance exponentielle de la facture des importations. Du côté du CEBEVIRHA, le secrétaire exécutif, Dr. Ngoande, joint au téléphone, indique qu’il s’agissait des « discussions préliminaires » qui ont mis près d’une heure, avec pour enjeu « de travailler en commun dans l’intérêt de la sous-région pour pouvoir les secteurs sur lesquels reposent les missions de la CEBEVIRHA ».

La facture des importations des produits animaux en général donne est salée
L’implémentation de la politique d’import-substitution dans la CEMAC préoccupe au plus haut point toutes les parties prenantes, car la facture des importations est salée. Lors de la Conférence des chefs d’Etat de mars 2023, il est ressorti qu’en 2018, les six pays de la CEMAC ont importé 2780 milliards de F de produits de grande nécessité (viande, poisson, riz, hydrocarbures). Selon le ministère camerounais du Commerce, la valeur globale des importations au cours du triennat 2015-2017 était de 9634 milliards de F, pour combler le déficit du marché intérieur en denrées alimentaires comme le riz, le poisson, le sucre, le maïs, les produits halieutiques entre autres.
Selon l’Institut national de la statistique (INS), le Cameroun a importé 181 678 tonnes de produits halieutiques en provenance de la Mauritanie, du Sénégal et de la Chine, pour une facture de 448 milliards de F.
Malgré que l’aquaculture ait permis de produire 9500 tonnes de poissons au cours des neuf premiers mois de l’année 2024 (contre 8011 tonnes en 2023), on reste loin du compte en ce qui concerne la demande. Pourtant, l’objectif de production à l’horizon 2030 est de l’ordre de 50 000 tonnes de poissons. La demande nationale en produits halieutiques au Cameroun est estimée à plus de 500 000 tonnes par an. Or, les pêches de capture et celles de l’aquaculture avoisinent 400 000 tonnes. Par conséquent, le pays recourt aux importations estimées à 185 000 tonnes pour combler le déficit, indiquent les chiffres officiels. D’après la Stratégie de développement du secteur rural et le Plan national d’investissement agricole pour la période 2020-2030, l’offre nationale dans la filière bovin-viande est passée de 112 005 t en 2014 à 154 543 t en 2019. Au niveau de la volaille, l’offre nationale est passée de 126 379 t en 2014 à 143 602 t en 2019. Pour ce qui est du porc, l’offre est passée de 28 150 t en 2014 à 55 602 t en 2019. Quant aux petits ruminants, l’offre nationale en 2019 était de 43 278 t contre 38 174 t en 2014.
En outre, selon les statistiques convoquées par le sous-directeur de l’aquaculture au ministère de l’Elevage, des Pêches et des Industries animales (Minepia), Divine Ngala Tombuh et par ailleurs coordonnateur du secrétariat technique du comité interministériel chargé de l’accompagnement des investisseurs dans la filière aquacole au Cameroun, la production halieutique nationale est passée de 233 363 tonnes en 2022 à 241 561 tonnes en 2023. Elle est principalement dominée par la pêche artisanale maritime à hauteur de 76%, suivie de la pêche continentale avec 11%, de la pêche industrielle et de l’aquaculture avec 8% et 5% respectivement. Au Cameroun, les produits halieutiques sont une source importante de protéines animales avec un apport de 40%, pour une moyenne de consommation de 14kg/habitant/an.

L’Afrique représente moins de 2% de la production aquacole mondiale
Lors de la première édition du Salon interprofessionnel de l’aquaculture du Cameroun (Siac) organisé du 2 au 7 décembre 2024 à Yaoundé au Cameroun, le directeur de l’Agence nationale de développement de l’aquaculture au Maroc, Majida Maarouf, a déclaré : « Avec moins de 2% de la production aquacole mondiale, moins de 10% de contribution à la consommation halieutique et plus de cinq milliards de dollars d’importations des produits halieutiques, l’Afrique doit se tourner vers l’aquaculture. Aujourd’hui, la souveraineté alimentaire de l’Afrique ne peut se penser sans le développement de filières aquacoles durables, résilientes et inclusives ».
La Commission économique du bétail, de la viande et des ressources halieutiques (CEBEVIRHA) est une agence d’exécution de la CEMAC. Basée N’Djamena au Tchad, elle a pour mission de contribuer au développement durable, harmonisé et équilibré des secteurs de l’élevage, des industries animales, des pêches, de l’aquaculture, ainsi qu’à l’accroissement des échanges en vue de permettre aux pays d’optimiser les productions nécessaires à l’atteinte de la sécurité alimentaire et à la réduction de la pauvreté des populations de la sous-région, lit-on sur son site Internet. Comme tel, elle est chargée de réaliser les programmes et projets de la CEMAC en matière d’élevage, de pêche, d’aquaculture et des échanges des produits animaux et halieutiques. Les chefs d’Etat ont décidé de la création de la CEBEVIRHA par acte N°20/87/ UDEAC-475 du 18 décembre 1987, avec pour objectif l’autosuffisance en matière carnée et halieutique de la sous-région. La CEBEVIRHA a été érigée en agence d’exécution par acte additionnel N°03/13-CEMAC-176-CCE-SE-2 du 25 juin 2013.