Sécurité foncière en Afrique : engagement collectif pour la souveraineté des peuples sur leurs terres

Face aux contraintes qui mettent à mal l’intégrité des terres ancestrales, les jeunes du continent ont récemment adopté une Déclaration en faveur de la gouvernance foncière responsable et la restauration du patrimoine ancestral, communautaire et paysan.

Le premier forum des jeunes africains sur le foncier s’est tenu à Abidjan (Côte d’Ivoire) du 24 au 26 avril 2025, à l’initiative de l’Ong Jeunes volontaires pour l’environnement (JVE) Côte d’Ivoire. Le thème retenu était : « Pression foncière et droits des communautés rurales, urbaines et autochtones en Afrique : défis, résistances et perspectives de sécurisation ». L’objectif, à en croire le responsable de la justice sociale à JVE Côte d’Ivoire, Nahounou Daleba, était d’analyser la gestion des terres rurales et urbaines et de trouver des solutions durables. L’enjeu du forum était d’encourager une gestion plus équitable et responsable des terres sur le continent africain.

Au cours du panel sur « Le foncier et la sécurité alimentaire en Afrique », la secrétaire exécutive du Réseau des acteurs du développement durable (RADD) en activité au Cameroun, Marie Crescence Ngobo, a précisé qu’il est capital de sensibiliser les communautés pour éviter la perte de leurs terres et de valoriser les semences paysannes pour préserver une alimentation authentique. « La question de la semence paysanne et la souveraineté politique se rejoignent. Si nous ne sommes pas autonomes sur le plan alimentaire, nous perdons aussi notre souveraineté politique », a martelé la responsable du RADD.

Lors de ce rassemblement, les 45 représentants des organisations et des communautés venues de 14 pays (Bénin, Burkina-Faso, Burundi, Cameroun, Côte d’Ivoire, Gabon, Ghana, Guinée-Conakry, Mali, Niger, République du Congo, Sénégal, Tunisie et Togo), ont exprimé leur préoccupation vis-à-vis de l’insécurité foncière qui pèse sur les terres paysannes en Afrique. Les participants ont surtout reconnu ce qui suit :

· La souveraineté des peuples africains sur leurs terres, leurs richesses nationales et les ressources naturelles est inaliénable ;

· Les terres ancestrales constituent le patrimoine économique, culturel, cultuel et génétique des peuples, elles sont indissociables de leurs traditions et essentielles à leur développement et leur avenir ;

· Les terres ancestrales des communautés ont une valeur intrinsèque et méritent le respect quelles que soient leur utilité pour les habitants ;

· Les femmes jouent un rôle essentiel dans la sauvegarde des terres ancestrales et leur exploitation durable ;

· L’implication des jeunes dans la gouvernance foncière et leur accès à la terre contribue à la dynamisation de l’économie locale et aux valorisations de ce patrimoine ;

· L’accès des paysan (ne)s à la terre est indispensable à la souveraineté alimentaire des peuples africains et une garantie pour la préservation des écosystèmes et

· Les femmes sont les gardiennes de la diversité alimentaire des pays en développement ayant un accès limité aux ressources foncières/productives.

Revue des contraintes pesant sur les terres africaines

Par ailleurs, le forum d’Abidjan a condamné fermement :

· L’accaparement des terres, la thésaurisation et les politiques territoriales inadaptées qui marginalisent les paysan (ne) s, les communautés et bradent les terres africaines au profit des multinationales, des investisseurs étrangers et nationaux ainsi que des élites locales ;

· L’entrave par les gouvernements africains à l’exercice des droits fonciers coutumiers et la non-prise en compte des règles coutumières existantes, dans l’élaboration des législations et politiques d’aménagement et de gouvernance foncière ;

· L’insécurité foncière provoquée par des cadres juridiques post-coloniaux inadéquats aux us et coutumes des communautés ;

· Tout acte consistant à s’emparer, déposséder, marginaliser les communautés, les femmes et les jeunes de leur patrimoine foncier ;

· Tout acte consistant à polluer, dégrader, surexploiter les terres ancestrales et à les attribuer sous forme de concessions à des entreprises entraînant des violences, des pertes de vies humaines et de biodiversité, notamment les activités extractivistes ;

· Le non-respect des engagements internationaux ratifiés par les États africains censés garantir les droits humains des peuples africains ;

· Les modèles de développement conduisant à des logiques basées sur les compensations octroyées aux communautés et

· L’utilisation des intrants chimiques de synthèse et l’introduction des semences hybrides et la prise en otage de l’alimentation mondiale par une minorité de sociétés productrices de semences hybrides ou génétiquement modifiés.

Appels à l’action

A l’occasion, les participants ont appelé :

· Les gouvernements des pays africains à garantir la souveraineté des peuples sur leurs ressources naturelles et leurs richesses nationales, telles que le stipulent les droits constitutionnels et les conventions internationales ;

· Les gouvernements des pays africains à restituer les terres dépossédées aux communautés en adoptant, des réformes agraires et foncières justes, inclusives et équitables ;

· Les gouvernements des pays africains à promouvoir l’implication des communautés dans les processus d’élaboration et de mise en œuvre des politiques et législations foncières et d’aménagement du territoire ;

· Les paysan (ne) s et les communautés africain (e) s à s’organiser et à faire converger leurs luttes pour l’accès à la terre et la souveraineté alimentaire et

· Les organisations de la société civile africaine à rejoindre la lutte pour des réformes agraires et foncières justes, inclusives et équitables.

Engagements pour la souveraineté des peuples africains sur leurs terres

Sur la base d’une lutte paysanne, les participants au premier forum des jeunes africains sur le foncier se sont engagés à :

· S’unir pour la restauration de la souveraineté des peuples africains sur leurs terres, leurs ressources naturelles et leurs richesses nationales ;

· Promouvoir un processus de renforcement des capacités des dynamiques paysannes au moyen de l’éducation, des échanges, des actions de résistance non-violentes visant à lutter contre les accaparements des terres et à demander la restitution de leurs patrimoines fonciers ;

· Faciliter la création d’un réseau dynamique des organisations paysannes, des communautés, des militants et d’ONG coopérant aux niveaux local, national et international pour construire des stratégies et tactiques de lutte contre les accaparements de terres ;

· Veiller et s’impliquer dans les processus législatifs et politiques de gouvernance foncière et d’aménagement des territoires dans l’objectif de pousser vers les réformes agraires et foncières justes, inclusives et équitables ;

· Plaider auprès des gouvernements nationaux pour garantir le droit des femmes africaines à accéder à la terre et

· Promouvoir et défendre les pratiques agro-écologiques paysannes et la souveraineté alimentaire.

Une Déclaration conjointe pour protéger le patrimoine foncier

Au finish, les participants ont adopté une Déclaration qui marque leur conviction en faveur de la gouvernance foncière responsable et la restauration du patrimoine ancestral, communautaire et paysan. Tout en reconnaissant que l’action visant à protéger les richesses vivantes et la beauté des terres dépend du plein engagement des communautés et des organisations paysannes concernées, ils s’engagent à travailler pour mettre en œuvre les dispositions de cette Déclaration. Etant donné que la sécurisation des terres des communautés est essentielle au maintien de la société humaine et à la conservation de notre planète, les participants ont été invités à diffuser largement cette Déclaration dans le but de garantir que les conclusions soient incorporées dans les activités quotidiennes.