Le plaidoyer a été martelé lors d’une concertation organisée récemment à Douala, avec pour ambition de mettre sur le marché une fève brune cultivée en maintenant un taux de déforestation très bas voire nul.
Dans le cadre de la célébration de la journée mondiale du cacao édition 2025, WWF-Cameroun a organisé une rencontre d’échanges multi-acteurs du 30 septembre au 1er octobre 2025 à Douala, autour du thème : « Ensemble pour un cacao durable et résilient au climat ». L’enjeu était de discuter sur les enjeux de production du cacao durable, la traçabilité, la valorisation des producteurs, la lutte phytosanitaire, les défis liés au travail des enfants, le règlement zéro déforestation de l’Union européenne (RDUE). Y prenaient part : des représentants des ministères (Minader, Minfof, projet PAD-Cacao), de WWF, du secteur privé et des coopératives productrices, des partenaires techniques (GIZ, FAO) et des médias.
A l’occasion, WWF-Cameroun a vulgarisé sa stratégie cacao qui fait de la production durable de cacao un levier essentiel pour la conservation des paysages Jengi-Tridom, Jengi TNS, Campo Ma’an et Coastal Forest Programme. Tout en reconnaissant que le cacao est la principale source de revenus de nombreuses communautés locales et autochtones, WWF promeut une production de cacao respectueuse de l’environnement et socialement inclusive. « Nous avons présenté notre stratégie en matière de cacao durable aux différents ministères sectoriels des Forêts et de la Faune, de l’Agriculture et du Commerce. Cette stratégie allie à la fois les revenus durables pour les cacaoculteurs, mais également le respect des pratiques environnementales, afin de préserver nos forêts, de cultiver le cacao tout en maintenant un taux de déforestation très bas voire nul », a déclaré le directeur national de WWF-Cameroun, Alain Bernard Ononino. Et de poursuivre : « Il était important de présenter cette stratégie, les opportunités et les défis aux différentes prenantes. Et rappeler l’importance pour les producteurs de s’engager à la fois dans la cacaoculture au regard des bénéfices que cela regorge, mais aussi et surtout de le faire en adoptant des pratiques environnementales durables, notamment une déforestation faible voire nulle ».

Enjeux de la durabilité
La notion de durabilité renvoie à une production cacaoyère économique, écologique et socialement responsable, qui ne compromet pas la capacité des générations à venir à satisfaire leurs propres besoins. Quant aux interventions de WWF-Cameroun sur le terrain dans la filière cacao, l’on note une présence auprès des communautés et au sein des aires protégées, depuis 2019. Les faits saillants sont entre autres le soutien de plus de 10 coopératives-producteurs de cacao dans l’adoption de pratiques agricoles respectueuses de l’environnement, préservant la biodiversité, améliorant les moyens de subsistance et renforçant la réputation et la qualité du cacao camerounais sur le marché international. Ces efforts rentrent en droite ligne de la vision globale de WWF de promouvoir des modes de production et de consommation durables, bénéfiques pour les populations et la nature.
Il faut préciser que depuis deux décennies, WWF travaille en étroite collaboration avec les pouvoirs publics camerounais pour préserver l’espace écologiquement fragile de certains paysages. L’une des actions phares dans cette logique est la promotion d’une « agriculture durable » avec notamment la signature de la feuille de toute pour un cacao sans déforestation à l’initiative d’Indice de Développement Humain (IDH). « Notre activité consiste à soutenir les coopératives et les producteurs, en renforçant leurs capacités en termes de production, de conservation. Le défi est de sécuriser l’aspect économique de la production, afin que ceux qui opèrent dans le secteur cacao puissent bénéficier des fruits de leurs efforts au quotidien », a indiqué l’expert senior cacao de WWF-Cameroun, Jean Paul Nlend Nkott.
L’approche fait des émules au milieu des producteurs. « Avant que WWF n’arrive, on ne connaissait pas les méthodes de culture et de traitement du cacao durable et rentable. Pendant cet atelier, nous sommes venus exposer la poudre de cacao, le beurre de cacao, les caramels à base du cacao. Nous avons également renforcé nos capacités sur les techniques de régénération. On ne doit plus dévaster la forêt pour cultiver le cacao. Nous devons rentrer dans les jachères pour produire du cacao, au lieu de faire de nouvelles extensions », s’est réjouie la PCA de la coopérative Or Nature basée à Yokadouma dans la région de l’Est-Cameroun, Mme Liliane Mgbadjiga.

Les pouvoirs publics main dans la main avec les ONG et le secteur privé
Au cours de l’activité, la coordonnatrice du PAD-Cacao Littoral, Robertine Yonta, a expliqué l’importance du cacao au Cameroun dans le secteur primaire, le PIB national et l’occupation professionnelle des acteurs qui y travaillent. Elle a également passé en revue les actions mises en œuvre par le Minader pour pallier certains défis, à savoir : la délivrance des semences de qualité, l’accompagnement technique des producteurs avec la bonne information, tant au niveau de la production, de la protection phytosanitaire et de l’accompagnement dans la commercialisation, etc.
Le Comité interministériel cacao durable du Cameroun s’est réjoui de ce que WWF ait ciblé les coopératives, pour que leurs activités et/ou réalisations soient évaluées et mis en vedette. L’instance créée en novembre 2022 par le gouvernement sur décision ministérielle du Mincommerce et du Minader et installée en février 2023 est à pied-d’œuvre pour que la visibilité du cacao de qualité en provenance du pays soit accrue. « On a défini un plan d’actions décliné pour la période 2024-2029 qui a environ 45 activités avec des actions. Profitant de notre partenariat avec l’Union européenne, on a organisé un dialogue appelé Cocoa Talks. Nous sommes sortis de là avec 12 actions qui ont été financées par l’Union européenne. Ces 12 actions nous amènent à être naturellement conformes avec le Règlement de l’Union européenne sur la déforestation », a souligné le coordonnateur du secrétariat technique du comité interministériel cacao durable du Cameroun, Elie Bertrand Mutngi.
« Aujourd’hui, on a pratiquement bouclé avec les 12 actions et on pense qu’en décembre prochain, tout le cacao camerounais sera bien tracé et va répondre aux normes de règlement européen », a ajouté notre interlocuteur. Concernant la quantité de cacao durable commercialisé par le Cameroun, notre source a fait savoir qu’il y a environ 200 000 tonnes de cacao certifié à date. A Rainforest Alliance, le cacao certifié est de l’ordre de 160 000 tonnes. D’autres labels comme Sic Cacaos avec Cocoa Horizons et autres sont à plus de 50 000 tonnes.

Recommandations pour améliorer la cote du cacao camerounais à l’international
Les parties prenantes de l’activité de Douala ont fait les recommandations suivantes :
- Renforcer les capacités des producteurs en matière des pratiques agricoles, afin d’assurer une production respectueuse de l’environnement et conforme aux exigences du marché national et international ;
- Intensifier la sensibilisation des producteurs sur la règlementation européenne sur la déforestation (RDUE) en mettant à leur disposition des outils pédagogiques adaptés au contexte local et des sessions de formation utiles et globalisantes ;
- Promouvoir un cadre de partenariat tripartite entre les acteurs publics, les opérateurs privés et les organisations de producteurs pour une gouvernance concertée et efficace sur le cacao durable ;
- Valoriser et récompenser les efforts des coopératives engagées dans la production du cacao durable, à travers des mécanismes d’incitation et l’accès facilité aux marchés financiers à travers des outils justes et équitables ;
- Elaborer et adopter un référentiel national clair et partagé sur la définition de la déforestation en lien avec les standards internationaux et l’adapter aux systèmes agroforestiers camerounais, pour guider les pratiques agricoles et les politiques de traçabilité ;
- Mettre en place un référentiel rigoureux sur le travail des enfants intégrant nos normes socio-culturelles, nos valeurs, les obligations légales et les engagements sectoriels afin de garantir un cacao éthique et responsable adapté à notre contexte ;
- Mettre en œuvre une stratégie de mobilisation des partenaires pour assurer le renforcement des capacités collectives des organisations des producteurs et des producteurs individuels ;
- Mobiliser les ressources financières, matérielles et techniques supplémentaires, notamment en associant les acteurs privés pour l’accompagnement de la stratégie de mise en œuvre de la production du cacao durable ;
- Faciliter un dialogue permanent entre les différents acteurs ;
- Outre les récompenses internationales prévues par les mécanismes de compensation du travail des acteurs, encourager l’établissement des partenariats gagnant-gagnant entre les sociétés qui achètent le cacao et les producteurs, afin que le cacao premium tiré des efforts des producteurs qui s’y engagent soit valorisé et acheté à sa juste valeur.
